Vers une commande publique plus qualitative
Un nouveau fascicule 35 doit prochainement entrer en vigueur. Visant à mieux régir les achats du secteur public pour les espaces verts, il a été réécrit par un groupe de travail rassemblant tous les métiers du paysage. Son arrivée fait l’unanimité.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Autoriser une commande publique plus verte et durable, offrir une meilleure traduction technique des attentes des maîtres d’ouvrage. Éviter les conflits et les contentieux grâce à un cadre technique solide. Relier le stratégique et l’opérationnel, donner à toutes les collectivités les moyens d’engager des politiques de végétalisation ambitieuses en évitant le décalage entre l’intention et l’action…
Les professionnels du paysage qui se sont impliqués dans le groupe de travail chargé de rédiger le nouveau fascicule 35, rassemblés en webinaire le 20 novembre dernier, n’ont pas tari d’éloges sur le document qu’ils ont élaboré. Le tout devant plus de 400 participants répartis dans toute la France, preuve de la forte attente autour de ce nouveau document.
Le fascicule 35 aide à définir le besoin
Pour mémoire, le fascicule 35 concerne les aménagements paysagers, les aires de sport et de loisirs de plein air. Il s’agit d’un des documents composant le cahier des clauses techniques générales (CCTG), socle de dispositions techniques minimales s’imposant à toutes les prestations commandées par les collectivités. Il est possible de monter en qualité dans un chantier donné à travers le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), mais pas de descendre au-dessous des critères qualitatifs requis par le fascicule 35.
Mais ce document datait de 1999. Il y manquait des techniques plus récentes, par exemple les mélanges terre-pierre, le contrôle technique de l’arrosage, la gestion alternative de l’eau, etc. Il était donc temps de le retravailler en profondeur pour l’adapter aux chantiers actuels. Ce sera chose faite rapidement, la nouvelle mouture du texte étant en cours de signature dans les couloirs des ministères.
Tous les métiers du paysage, l’Union nationale des entrepreneurs du paysage (Unep), Hortis, les responsables d’espaces nature en ville, mais aussi les ingénieurs territoriaux de France (ITF) et la Fédération française du paysage (FFP), représentant les concepteurs-paysagistes, ont travaillé pendant deux ans à la refonte du fascicule 35 sous l’égide du ministère de la Transition écologique.
« Nous nous sommes intéressés à cette démarche car elle porte deux ambitions, a expliqué durant le webinaire Gilles de Beaulieu, concepteur-paysagiste auprès du ministère. La première est de promouvoir des modes de gestion plus durables, le zéro phyto, une conduite plus raisonnée de la ressource en eau, la lutte contre l’artificialisation des sols, par exemple. La seconde est que le nouveau document va accompagner l’adaptation au changement climatique et à la transition énergétique. » Il estime également que ce nouveau référentiel technique va de pair avec un changement de modèle dans la gestion des espaces publics. Le groupe de travail a ainsi, selon lui, « cherché des adaptations pour rompre avec les pratiques existantes ou les améliorer ».
Il a aussi loué la méthode utilisée, une co-construction collective efficace permettant d’élaborer un document qui respecte à la fois les aspects techniques et économiques du problème. Avec pour objectif d’aboutir au mieux-disant qualitatif.
La méthode a aussi été appréciée par Jean-Pierre Gueneau, ex-président d’Hortis : « C’est un bel exemple du travail que l’on peut fournir à partir d’un objectif commun. La réalisation d’un marché doit répondre à un besoin. Le fascicule 35 aide à le définir, et beaucoup de collectivités n’ont pas d’équipes techniques formées pour mener ce travail à bien. Il a vocation à éviter les conflits et les contentieux qui en découlent, et ce grâce à un cadre technique solide et des prestations détaillées.
Un outil efficace pour les politiques environnementales
Pierre Athanaze, vice-président de la Métropole de Lyon (69), voit dans le nouveau document technique un outil efficace pour mettre en place les politiques environnementales de sa collectivité, que ce soit la sauvegarde de la biodiversité ou le zéro phyto.
« Nous nous sommes demandé comment prendre ce sujet à la racine. Afin d’éviter d’avoir à effectuer des traitements phytosanitaires, le mieux est d’utiliser des plantes adaptées. Donc du végétal local, ce qui favorise les pépinières françaises. »
Le nouveau document permet au donneur d’ordre « de mieux traduire ses attentes de façon technique, estime Frédéric Ségur, représentant l’Association des ingénieurs territoriaux de France (AITF) dans le groupe de travail. Il sera dorénavant plus facile de les formaliser et de donner des prescriptions claires grâce à une norme précise représentant un niveau de qualité au-dessous duquel on ne peut pas descendre ».
De son côté, la FFP, par la voix d’Olivier Striblen, voit son métier mieux reconnu : « Avant, il y avait la maîtrise d’ouvrage et les entreprises. Là, notre rôle est clair. »
Plus facile d’utilisation
D’un point de vue pratique, le nouveau fascicule 35 est plus compact que le précédent, une centaine de pages contre 300. Il est aussi voulu plus facile d’utilisation, avec d’un côté les prescriptions, de l’autre des commentaires apportant des éclaircissements. Les aménagements sont décrits par chapitre avec ce qu’il est possible de faire et ce qui est souhaitable. Il comprend des parties spécifiques consacrées aux travaux neufs, à l’entretien…
Des soins particuliers ont été apportés à des points qui sont souvent sources de difficultés sur le terrain, en particulier les travaux de parachèvement et de confortement des plantations, pour faire court et pour aller à l’essentiel, l’arrosage et le désherbage des végétaux installés récemment qui ne sont pas encore autonomes.
Le nouveau référentiel vise à s’appuyer sur des techniques vertueuses telles que le paillage, par exemple, afin d’éviter le désherbage. Mais, surtout, répondre à un appel d’offres imposera désormais de fixer un prix pour chaque prestation attendue, le niveau de responsabilité de chacun sera donc plus clair. Enfin, dernier point et non des moindres, du temps est prévu pour le concepteur afin d’assurer un suivi de l’entretien des plantations, pour contrôler que le travail est réalisé et de qualité.
Autre source de difficultés récurrente, la qualité des sols. Le nouveau fascicule 35 encourage les paysagistes à réutiliser autant que faire se peut les substrats trouvés sur place – importer de la terre végétale ne pouvant représenter qu’un dernier recours –, mais il est obligatoire d’en faire l’analyse et préférable de recourir à des gammes végétales adaptées.
« Désormais, le montage des dossiers sera différent, conclut Jean-Marc Sipan, pour l’Unep. Si une collectivité souhaite que les travaux de confortement soient assurés par l’entreprise, une ligne apparaîtra sur l’appel d’offres. Si celle-ci est présente, la prestation sera due. »
Faire connaître le nouveau document
Reste maintenant à ce que le document soit signé, que les décrets d’application sortent et surtout à le faire connaître et utiliser. Offrir de meilleures prestations en rémunérant mieux l’ensemble des acteurs du chantier est louable et souhaitable, certainement générateur d’économies à long terme pour les collectivités. Il est moins cher d’entretenir des espaces bien conçus.
Toutefois, au moment de l’appel d’offres, la conséquence immédiate de cette valeureuse intention se traduit inévitablement par une hausse des coûts. Les collectivités, qui sont mises en difficulté par les conséquences économiques de la crise sanitaire, sauront-elles y faire face ? Il se passera plusieurs mois avant de pouvoir répondre à cette question !
Pascal FayolleLe nouveau fascicule 35 du CCTG sera disponible en ligne, gratuitement sur le site de l’Unep, www.lesentreprisesdupaysage.fr. Également sur ce site, la vidéo du webinaire du 20 novembre.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :